Isaki Lacuesta • Réalisateur de Segundo premio
“Beaucoup de mes modèles artistiques sont nés à Grenade”
par Alfonso Rivera
- Le réalisateur détaille certains aspects de la confection de son nouveau film, qui a triomphé au Festival de Malaga, et de son expérience de tuteur dans le cadre de la 2e édition de Conecta Lab
À la 2e édition de Conecta Lab, qui s'est tenu à la fin avril sur l'île galicienne de San Simón, six projets ont été présentés (lire l’article), dont deux qui ont eu pour tuteur Isaki Lacuesta. Ce dernier a aussi triomphé au dernier Festival de Malaga avec Segundo premio [+lire aussi :
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fiche film], qui arrive dans les salles espagnoles le 24 mai, distribué par Bteam. Lors de notre entretien, nous avons discuté de ces deux sujets.
Cineuropa : La création est le thème central de Segundo premio.
Isaki Lacuesta : Le film parle de travail en équipe et cherche ce qu'ont en commun le cinéma et la musique, mais ça peut être extrapolé à d’autres métiers collectifs où il faut décider si les relations sont professionnelles uniquement où si elles transcendent le travail. C’est là que tout devient plus chouette, mais parfois, cela nécessite des ajustements et comporte des inconvénients. Mais oui, c’est un film d’amour, de vampires et de musique.
Deux figures importantes ont pris part à la gestation de Segundo premio : Jonás Trueba et Pol Rodríguez.
Jonás est à l’origine du film avec Fernando Navarro, un scénariste qui vit à Grenade et connaît sa scène musicale, et Cristóbal García, producteur et fan du groupe Los Planetas. Jonás a ensuite quitté le projet, parce que cela faisait longtemps qu’il travaillait dessus et qu'il a déchanté. Il m’a appelé pour me demander si je souhaitais le reprendre : on en avait beaucoup discuté quand il était dessus et il savait que je l’aimais beaucoup. Quand j'ai appris que ma fille avait une leucémie, la veille du début du tournage, je me suis dit qu'il fallait que je prenne Pol comme coréalisateur, parce qu’il connaît l’équipe. Nous avons ainsi travaillé à distance, grâce a la technologie.
Grenade apparaît dans le film comme un espace fascinant, un peu fantasmagorique, avec ses lumières et ses ombres. Que représente ce lieu pour vous ?
C'est une ville fondatrice qui a toujours été importante, en soi et pour ce qu’elle représente à travers les œuvres de Federico García Lorca, José Val del Omar, mais surtout Enrique Morente, Lagartija Nick et Los Planetas. C’est là que sont nés et qu'ont grandi des artistes qui sont pour moi des exemples et des références.
Vous êtes très attiré par le sud de l'Espagne, on dirait…
On est vraiment bien là-bas ! Parfois, les idées naissent de l’envie de vivre quelque part. Je travaille beaucoup comme ça, à partir de l’envie de dépeindre des personnes et des lieux. Je me suis imaginé vivre avec des musiciens à Grenade, et ça m’a paru d'enfer.
Vous avez récemment participé, en tant que tuteur, à Conecta Lab, au nord de l’Espagne. Comment s’est passée cette expérience ?
Je pense que c'est un programme formidable, pour son organisation comme ce qu'il propose. Le lieu est imbattable et les hôtes fabuleux. Ce qui me plaît le plus, c’est de découvrir des projets qui présentent des mondes complètement nouveaux pour moi. C'est ce qui m'est arrivé avec ceux de Berio Molina et Patricia Echevarría.
Est-ce qu’il y a des échanges d’énergies et d'idées entre professeur et élève ? Est-ce qu'il peut arriver que ce soit eux qui vous ouvrent à de nouveaux terrains d'exploration ?
Oui, totalement, c’est ce qui me plaît dans cette expérience. J’ai longtemps enseigné à l’université, mais j’arrêté il y a des années, alors ça a été comme un retour.
D'aucuns critiquent les laboratoires parce qu’ils comportent le risque d'uniformiser les histoires, mais d'autres affirment qu’ils aident beaucoup ceux qui commencent, qui sont toujours pleins de doutes...
Le danger d'uniformiser est clair et tangible, et il y a des idées, dans les films, dont on détecte qu’elles sont passées par tout le circuit des labos, mais le grand avantage, c’est qu'ils laissent le temps de réfléchir et permettent de se faire un réseau de contacts en chemin. Par exemple, alors que j'intervenais en tant que producteur de Sobre todo de noche [+lire aussi :
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fiche film], de Víctor Iriarte, à un atelier de post-production, Valérie Delpierre (Inicia Films [+lire aussi :
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fiche film]) a fait irruption et elle a été enthousiasmée par le film et elle en est devenue la coproductrice. On peut se constituer des réseaux professionnels pendant la fabrication des films, se trouver des alliés en chemin, et ça c’est vraiment utile. Quant à éviter le danger de l’uniformisation, cela tient aux tuteurs et aux participants, mais c’est un problème mineur. À la fin, tout dépend toujours de vous : à vous de faire la différence entre les cadeaux et les colis piégés.
(Traduit de l'espagnol)
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